Représentation artistique du quasar ULAS J1120+0641. Crédit : ESO/M. Kornmesser
Au centre de la plupart des galaxies se trouve un trou noir supermassif. Certains d’entre eux se nourrissent activement du gaz et de la poussière qui les entourent, expulsant l’énergie excédentaire sous forme de puissants jets que l’on peut observer sous forme de quasars dans tout l’Univers observable. Une nouvelle étude menée par des astronomes du Cosmic Dawn Center a examiné ce processus à l’aide de nouvelles techniques – et les résultats pourraient changer notre façon de concevoir le régime alimentaire de ces mastodontes cosmiques.
Situés au centre des galaxies, les trous noirs supermassifs sont des millions, voire des milliards de fois plus massifs que notre Soleil. Grâce à leur force gravitationnelle extrême, ils sont capables d’engloutir de vastes quantités de gaz, de poussière et peut-être même d’étoiles qui errent dans leur voisinage.
La physique nous apprend que cette matière tend à former un disque lorsqu’elle est attirée vers le trou noir, dans un phénomène appelé « accrétion ». Ces disques d’accrétion sont parmi les endroits les moins accueillants et les plus violents de l’Univers connu, avec des vitesses proches de celle de la lumière et des températures bien supérieures à celles de la surface de notre Soleil. Cette chaleur produit un rayonnement que nous voyons comme de la lumière, mais la conversion de la chaleur en lumière est si efficace – environ 30 fois plus efficace que la fusion nucléaire – que les physiciens ne comprennent pas vraiment comment.
Des mastodontes cosmiques affamées
Le régime alimentaire des trous noirs est très varié. Certains, comme celui de notre propre galaxie, ne sont pas très affamés et ne semblent pas avoir de disques d’accrétion. Mais nous voyons d’autres galaxies qui ont une faim vorace et dont les trous noirs supermassifs ont développé des disques d’accrétion extrêmement chauds, si brillants qu’ils éclipsent toutes les étoiles de leur galaxie.
Ce n’est que récemment que nous avons obtenu notre première image d’un disque d’accrétion grâce au télescope Event Horizon, un réseau mondial de radiotélescopes. Cependant, ce disque d’accrétion appartient à une galaxie très proche. Nous ne pouvons pas répéter cette expérience avec des galaxies plus lointaines car les disques sont tout simplement trop petits et ne sont donc pas résolus, même par les plus grands télescopes.
Le trou noir supermassif au centre de la galaxie M87. Les stries montrent la lumière polarisée provenant du champ électrique du gaz qui plonge dans le trou noir. Crédit : EHT Collab. et al. 2021
La variabilité est la clé
Heureusement, une autre méthode permettant de sonder la taille et la structure des disques d’accrétion distants semble prometteuse : Bien que nous ne puissions pas résoudre les différents composants des disques, nous pouvons étudier comment leur intensité varie dans le temps. En étudiant les variations de la lumière des disques, nous pouvons nous faire une idée des disques d’accrétion des galaxies les plus lointaines.
C’est ce qu’a fait John Weaver, titulaire d’une bourse de doctorat du programme DAWN, en examinant les observations passées de plus de 9 000 galaxies dotées de disques d’accrétion brillants – les quasars – dans le cadre du programme d’observation « Sloan Digital Sky Survey ».
Lorsque la source n’est pas résolue, la lumière observée du disque d’accrétion est « contaminée » par la lumière de la galaxie hôte du trou noir. Cette lumière indésirable provenant des galaxies hôtes a été largement ignorée par les études précédentes. Cependant, en utilisant un nouveau modèle pour les variations de la lumière des quasars, John Weaver et son collaborateur Keith Horne, professeur d’astronomie à l’Université de St Andrews, ont pu séparer la lumière du disque d’accrétion de celle de la galaxie hôte.
En d’autres termes, le modèle leur a permis de voir plus directement la lumière du disque d’accrétion autour des trous noirs supermassifs, même dans des galaxies situées à des milliards d’années-lumière.
Obscurci par la poussière
Weaver et Horne ont découvert que la poussière cosmique proche du disque d’accrétion obstruait probablement leur vue. En utilisant plusieurs modèles différents de la poussière cosmique pour prendre en compte et supprimer ses effets d’obscurcissement, ils ont pu déterminer la température du disque d’accrétion, à la fois près du trou noir et loin de celui-ci, sur les bords du disque.
Cette différence de température entre le disque interne chaud et le disque externe froid a été prédite en théorie. Cependant, les observations de Weaver et Horne ont donné une image très différente de la température du disque : les disques se sont avérés être encore plus chauds près du trou noir que prévu. Ces résultats inattendus ont été publiés aujourd’hui dans les Monthly Notices of The Royal Astronomical Society et suggèrent que nos hypothèses et nos modèles théoriques doivent être révisés, ce qui a des conséquences sur notre compréhension des trous noirs supermassifs.
Non seulement nous avons encore beaucoup à apprendre sur les trous noirs supermassifs, mais les variations de leur faim vorace sont une merveilleuse démonstration que notre Univers est un endroit bien plus dynamique que ce que l’on pourrait croire en regardant le ciel statique de la nuit.
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