Schéma illustrant la formation de ʻOumuamua basée sur le scénario de Zhang et Lin, un petit corps céleste passant trop près d'une étoile, par exemple une naine blanche, et qui est étiré puis détruit par les forces de marée.
Il ne s'agit pas encore d'une publication officielle mais d'une thèse avancée lors d'un séminaire sur Zoom au prestigieux Caltech, où de nombreux prix Nobel ont été et sont encore professeurs.
Un lien a été établi entre la trajectoire, la forme de ʻOumuamua et une étoile à neutrons dont la présence se signalerait déjà par les effets crédités jusqu'ici à l'hypothétique neuvième planète.
Quels rapports entre une étoile à neutrons et le mystérieux objet interstellaire ʻOumuamua ? Une réponse rapide serait l'hypothétique planète 9 et le flux anormal d'antimatière dans le Système solaire détecté notamment par le détecteur AMS 02 à bord de l'ISS et dont Futura parlait déjà dans le précédent article ci-dessous. Sans nul doute, les lecteurs ou lectrices penseront qu'ils ne sont pas plus avancés par cette réponse qui reste tout aussi énigmatique.
Qu'ils se rassurent, il ne s'agit pas d'un koan zen et tout va bientôt s'éclairer. Commençons par quelques rappels concernant la planète 9 dont l'existence est toujours fortement questionnée. On en parle régulièrement depuis quelques années, suite à la publication de deux astronomes du célèbre Caltech, Konstantin Batygin et Mike Brown, en poste donc dans la vénérable institution où ont été professeurs plusieurs prix Nobel de physique dont Richard Feynman et Kip Thorne.
L'article des deux hommes avançait qu'une planète contenant environ 10 fois la masse de la Terre était probablement en orbite, autour du Soleil, à environ 200 unités astronomiques. Très peu lumineuse et se déplaçant très lentement sur la voûte céleste, pour des observateurs sur Terre - à cause de l'une des lois de Kepler -, elle n'avait donc pas encore été repérée et ce, même en ce début du XXIe siècle.
L'existence d'une neuvième planète principale dans le Système solaire avait été déduite à partir de la présence de plusieurs dizaines de petits corps célestes, appelés des objets transneptuniens (TNO, en anglais Transneptunian Objects) ; ce sont des corps du Système solaire dont l'orbite est entièrement, ou en majeure partie, au-delà de celle de la planète Neptune et dont certains font donc partie du nuage d'Oort. Ces corps se trouvaient sur des orbites elliptiques dont les caractéristiques ne semblent pas compatibles avec des distributions dues au hasard. Cela pouvait donc traduire l'existence d'un corps massif dont le champ de gravitation forçait ces corps à adopter des orbites quelque peu singulières.
Vidéo : Une neuvième planète se cacherait dans le Système solaire. Des astronomes en sont convaincus : il existe une neuvième planète dans les confins du Système solaire.
C'est ce qu'indiquent, selon eux, les orbites particulières de plusieurs objets de la ceinture de Kuiper et aussi de la planète naine Sedna, au-delà de Neptune. Les calculs lui donnent une masse comprise entre 5 et 10 fois celle de la Terre. Ce serait une géante de glace, à l'instar de Neptune. Elle serait actuellement dans la région de son orbite très elliptique la plus éloignée du Soleil. Il lui faudrait entre 10 000 et 20 000 ans pour boucler son orbite autour du Soleil.
Passons maintenant au cas de "Oumuamua", sa forme très allongée permet de penser qu'elle est le résultat du passage d'un petit corps céleste, astéroïde ou comète, trop proche d'un autre beaucoup plus massif. Pour être plus précis, le passage en question se serait produit dans une région où les forces de marée sont très importantes, ce qui aurait étiré et fragmenté le petit corps céleste, un peu comme dans le cas de ce qui s'est passé quand la comète Shoemaker-Levy 9 s'est trop approchée de Jupiter.
On peut imaginer par exemple que Oumuamua est le résultat de forces de marée exercées par un trou noir, une naine blanche ou justement une étoile à neutrons sur un bloc d'azote gelé, éjecté par une collision passée de la surface d'une planète naine du Système solaire tel Pluton.
Une superterre, un trou noir ou une étoile à neutrons ?
Lors d'un récent séminaire sur Zoom, un étudiant en thèse du Caltech, Gilbert Hayes, a annoncé récemment qu'il était parvenu à une intrigante conclusion en réexaminant les calculs de Konstantin Batygin et Mike Brown à la lumière des derniers résultats de campagnes de recherche de la planète 9, qui ont conduit à un raffinement des mesures concernant les paramètres orbitaux de plusieurs populations de TNO.
La conclusion brutale de Gilbert Hayes est qu'au lieu d'une planète 9 ou d'un trou noir primordial d'une masse de seulement 10 fois celle de la Terre, une étoile à neutrons de quelques masses solaires serait actuellement en approche du Système solaire en ayant traversé le nuage de Oort.
Elle pourrait n'être qu'à quelques décennies d'entrer dans le Système solaire interne et en tenant compte de la trajectoire de Oumuamua, celui-ci pourrait fort bien être passé très près de l'étoile à neutrons en question, ce qui est parfaitement cohérent dans le scénario avec les forces de marée expliquant sa forme.
On sait que des étoiles à neutrons sont des sources de positrons, les antiparticules des électrons, et cela fait des années maintenant que l'on a proposé que le flux anormal de ces particules, mis en évidence avec AMS, pourrait bien signaler justement la présence d'une telle étoile, encore non détectée, proche du Système solaire. Beaucoup d'étoiles à neutrons sont des pulsars mais il suffit que le faisceau collimaté d'ondes radio émis ne coupe pas l'orbite de la Terre pour qu'il ait échappé aux radioastronomes.
Lors du séminaire, certains ont fait remarquer, non sans faire grimper la tension, qu'on ne pouvait pas ne pas penser que si tel était bien le cas, l'étoile à neutrons en question pourrait bien finir par entrer en collision avec le Soleil. Bien que de quelques dizaines de kilomètres de diamètre seulement, l'astre compact pourrait avoir un effet dévastateur, déjà en transformant notre Soleil en objet de Thorne-Zytkow.
Il s'agit d'une prédiction remontant à 1975 et que l'on doit au prix Nobel Kip Thorne et à l'astrophysicienne Anna Zytkow.
À l'origine, il s'agissait de considérer ce qui se passait si une étoile à neutrons pénétrait les couches d'une géante rouge formant un système binaire avec elle. Mais on peut transposer le modèle au cas envisagé par les chercheurs lors du séminaire. En accrétant de la matière, l'étoile à neutrons va déstabiliser le Soleil, conduisant à son explosion en supernova et faisant probablement naître un trou noir.
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